1 M
2 F
3 M
4 F
5 F
6 M2
7 M2
8 F2
9 M3
10 F2
11 F2
12 M3
13 F3
14 F3
Je te veux chanter Marie,
Sainte mère du Sauveur
Toi dont la main non flétrie
Met en fuite la hideur
Des légions de malheur
Qui volent d’une aile torve
Inquiets, remâchants la morve
de péchés que nul remords[2]
Ne lavèrent, langues doubles
Pour les sages dévoyer
Et aux seuils et aux foyers[3]
Semer[4] la haine et le trouble
Agaçants de doigts griffus
L’âme où germe leur Refus.
Joachim ce fut ton Père
était un sage pasteur
Anne fut étant ta Mère,
Plus pure que vierge en fleur,
Joachim dut à malheur
Conduire ses brebiettes
Bien loin de sa maisonnette.
Quarante jours il partit
Mais Anne en Dieu confiante
D’espérance ne pâtit
Et vint troublée un petit
de son mari[5] la servante
L’attendre à la Porte d’Or
Où s’embrassèrent d’accord.
Ce baiser-là c’est le signe
De ta grande pureté
de toi blanche comme cygne,
De toi, miroir d’équité.
Quant Anne t’eut allaitée
Elle t’enseigna la science
divine d’obéissance
Te montrant par ces devis
Et ces maternaux exemples
Et t’enseignant par avis
Comme d’un gracieux vis
il sied prier dans le temple
Et désirer à honneur
D’avoir pureté de cœur
Quant tu eus 14 ans d’âge
Tes parents, pieux et francs,
Songèrent au mariage
de toi leur aimable enfant.
Les jouvenceaux triomphants
Se présentèrent en foule
Pour conquier ton corps qui foule
le serpent d’un talon nu.
Il vint tous ceux du village
Ceux des villes sont venus
Parés et frisés menus
Apportants œufs et fromages
Et soulant conquérir or
Ce virginien trésor.
Cependant devers ta mère
Tu travaillais de tes mains,
Cuisinant de cent manières,
Filant chanvre, tissant lin.
Un jour que d’un savoir plein
Tu cousais dans ta chambrette
Pour le temple une serviette
Fleurie en mille boutons
Dévala sur ta demeure
Un ange qui te fit don
d’un bouquet de lys, ce dont
Reconnaissant en ceci
Dieu te vouloir vierge aussi
Cependant devant la porte
Se trémoussaient les galants,
qui briguaient, d’une main forte
Jouir de tes jeunes ans
Quand d’oracles devisant
Onct le grand prêtre et ton père
Dire qu’il te pourrait traire
à lui, cil qui d’un cotret
Tenu au poing, sans malice
une fleur sortir ferait.
Tous des coudres coupés frais
Tinrent, obstant bénéfice
le seul poutreau de Joseph
Blanchit d’une fleur souef
Tous, émerveillés du gage,
De Marie et de Joseph
Célèbrent le mariage
Joseph était blanc de chef
Majestueux comme une nef
Dorée de proue en poupe.
Marie, encor sous la coupe
Des matrones, se vêtit[8]
D’une robe à fleurs d’or peinte[9]
Et d’un surcot de coutil
Puis rougissante un petit
Non de trouble mais de crainte
A sa main dans la main mis
de Joseph qui Dieu bénit.
Lui vers sa Maison dévale
Et Marie humble le suit
Qui quelques larmes ravale,
Priant Dieu qu’il ne lui nuit.
A fin, Joseph ouvre l’huis
Et dit : “Chère fiancée
Votre couche est là dressée,”
Mais Marie ne répond
Que par larmes angoisseuses.
Joseph voit ce rouge au front,
et le doute l’éperon
De ses flèches épineuses
Il dit “Femme je m’en vais
Vous renvoyer en secret.”
Il se retire en sa couche
Et va la tristesse au corps
Mordre les draps de sa bouche[10]
Puis à la parfin s’endort.
Il voit un Ange tout d’or
De grande resplendissance,
Qui du Ciel vient par puissance
Confirmer la pureté,[11]
de Marie et la venue[12]
Par l’Esprit-Saint concerté,
De son Fils Jésus nommé
Qui, souffrant dans sa chair nue
Le peuple saint, entaché,
Sauvera de ses péchés.
Marie la terre arrouse
De pleurs, d’amertumes pleins
Joseph sourit : “Chère[13] épouse
Qui tantôt filiez le lin
Cessez ces pleurs et ces plaints
Car je sais ce qu’a dit l’ange.
Hâtons-nous--Cousez les langes
du petit enfant Jésus.
(Et pour Vous n’ayez de crainte
Dieu m’aidera là-dessus).
Quant linges seront cousus
Nous partirons par contrainte
Pour Bethléem sans retard
C’est un édit de César.
Marie a fait la layette
A troussé son casaquin
Et puis d’un pot de rillette
Et d’un gros guignon de pain
Goussé d’ail, vite, elle apprête
En un carroyé torchon
Pour Joseph un baluchon.
Tel sur chemins ils cheminent
Par routes, frais et sentiers
De voleurs non souciés
Comme gens de pauvre mine
Ne possédant maille ou mine
Et Joseph le cœur souffrant
Tient Marie en mal d’enfant.
Arrivés dedans la ville
Se veulent faire héberger
Marie la pauvre fille
De souffrir ne peut bouger.
Mais nul mauvais aubergier
Ne veulent avoir ces hôtes
Etant d’âme astorge et caute
Disant : “Montrez vos écus.”[14]
Marie faint toute blanche[15]
Les sens de douleur perclus.[16]
Joseph devant qu’elle chut
L’entraîne dessous les planches
d’une vacherie, et là
Sur fumier, Elle accoucha.
Alléluia
Quant Marie la Pucelle
eut mignoté le poupon
Elle dit “Je suis l’ancelle[17]
de ce petit enfançon
de ce coquet nourrisson.”
Joseph mit chandelle en table
Et de barbe vénérable
Le brassait et l’embrassait
Et par gestes et blandices
Le pressait et s’empressait
Le baisait et le berçait
Disant “Faut que j’obéisse
A celui divin-humain
Que je tiens dedans ma main.”
Une troupelette d’anges
D’amour divin attiré
Luttent pour laver les langes
Litière fraiché[18] aliter
Et de bois bien délité
Tournent un souef navire
Où deçà, delà, chavirent
Le très docile enfançon
Pinçant luth et de luette
Exercèrent des chansons
des caroles, des tençons
Plus que merle ou qu’alouette
Dont l’enfant se réjouit
Et sans crainte s’endormit
Alors vinrent, de fromages
Pourvus, de tourtes et d’œufs
de beurre frais, de caillage
de tourtrelles liées par deux
Les pasteurs et leurscompagnes
des plaines et des montagnes
Qui, jouant du chalumeau
Qui, sifflant une carole
Qui, soufflant du cornuau
Qui, carolant le berceau
Saluèrent, d’humbles paroles.
L’enfant qui sitôt les vit
Leur rit[19] d’un gracieux vis
Il vint de dedans la Chine
trois rois dessus cent chameaux
Qui sont bêtes dont l’échine
Est tortue et le pied bot.
L’un était vieux et très beau.
L’autre avait quarante ans d’âge
Le tierce, noir de visage
N’apportait qu’un greluchon,[20]
un perroquet, sa perruche,
Et trois petits perrichons.[21]
De reste avait à foison
Tapis, brocarts et peluches
dont Jésus battit des mains
bénissant leurs fronts humains.
Du pays, Hérode, infâme
Etait le tyran maudit
Il dînait avec ses[22] femmes
Quand on lui vint dire “Si
faudra-t-il prendre souci
D’un enfant qui vient de naître
Qui de tous doit être maître”
Le vilain ordre a donné.
Pour que l’enfant disparaisse
D’occire les nouveau-nés.
Soldarts[23] ont tout malmenés,
Mais Joseph par grande adresse
Lors que la ville est à sac
Musse Jésus en un sac.
Il le met sur son épaule
Marie sur un ânon
Tous trois passent au contrôle
où n’on dit que si que non.
Par chemins mauvais ou bons
Dedans l’Egypte ils arrivent :
C’est un grand désert où vivent
Les démons qu’on nomme dieux
comme chacals, crocodiles
Qui sont d’aspect odieux
Et de langue insidieux
Quant la famille débile
Aperçoivent, les démons
Fracassés, roulent des monts
Joseph bon père nourrice
Douvoyait et charpentait
Et son petit bénéfice
En tout à Dieu rapportait
Jésus taillait les étais
Et Marie la sans-coulpe
Cousait et cuisait la soupe.
Se pressait à ravauder
Puis filait une filée.
Hérode étant décédé
L’Ange les vint décider
A revoir la Galilée
Et là longtemps s’établir
Où Joseph vint à mourir.
A Jérusalem admire
Devant que Joseph mort fut
Comme confondit les mires
Jésus plus sage qu’oncq vu.
Il oppose tel refus
A Marie qui l’invite
à la rejoindre au plus vite
Disant : “Laissez. Je me dois
Aux affaires de mon Père”
Dont Marie eut par surcroît
Grande douleur. Ce je crois
Eussent fait toutes les mères.
Mais Jésus est retourné
Plus docile qu’enfant-né
Jésus rouvrit la boutique
Et charpentier s’établit
Il n’avait grande pratique
Mais a petit appétit
Subsistaient Lui et sa Mère
D’une vie douce-amère
Sans que caquets de voisins
Ou brouille de parentage
oncles neveux ou cousins
ou calomniages nuisins
Eussent dans leur cœur partage.
Unis comme lierre au tronc
Trente ans d’âg’ subsisteront
Lors Jésus au mariage
de Jean, fit œuvre divin
Ce fut quand Marie sage
Lui dit : “Ils n’ont plus de vin”
Lui que l’on n’invoque en vain
dit “Mettez de l’eau en place”
La mute en bonne vinasse
dont son hôte s’éjouit
Tant qu’il le connut son Maître
Et de ce jour le suivit.
Aussi firent les convits.
Ce montre qu’il faut renaître
d’eau du Baptême et du Vin
qui au calice est divin.
Enseigna Jésus au temple
Et aux campagnes 3 ans
Sa mère loin le contemple
Et va son Fils désirant
Ne l’approche qu’en tremblant
Elle écoute lorsqu’il prêche
Et se rappelle la crèche
où elle le mignotait
Ici est moult triste histoire
Qui est de la Passion
Qu’il ne sied pas dire, voire
Sans grande dévotion :
C’est pour la punition
De nos péchés qu’il l’endure
dépiteuse, roide, dure.
Comme mère son enfant
déplore s’il a souffrance
a[24] vu frapper les bourreaux
Et d’épines, du roseau[25]
des crachats, coups et grevances
Marie en grande douleur
A perdu sens et couleur
Fut composé cette histoire
Par Charlot, parisien,
(Qui est peintre peu notoire
Cependant bon chrétien.)
Pour édifier les siens
Il la fit étant à Bitche
D’esprit et de cœur non chiche
Et n’a su la terminer
Aussi longue et aussi belle
Comme il l’avait désiré,
Servant comme officier
La France en fils non rebelle,
L’an mil neuf cent dix et neuf
Le mois d’octobre étant neuf.
[9 octobre 1919]
Parents – Porte d’Or – Education – Visitation – Annonciation – Le bâton fleuri – Mariage – Joseph doute – Sa vision – Consolation – Voyage – Bethléem. Naissance – Anges serviteurs – ergers – Mages – Circoncision – Purification – Massacre des innocents. Fuite en Egypte – Les démons se brisent – Rencontre de voleurs – Retour. – Jésus retrouvé – Mort de St Joseph – Noces de Cana – Marie aux prédications – Passion : flagellation – Ecce Homo – Ch. de Croix – St Jean et M. – Stabat – Pietà – Apparition de JC à Marie – Pentecôte – Communions de Marie – Mort. – Assomption – Couronnement – Apparitions : La Salette, Lourdes – Marie Auxiliatrice – Prière pour la France – pour tous, ma famille, moi. – Explications
Je veux chanter ton los
Eglise délectable
Porte d’or, jardin clos
Conviant à la table
Sainte pour le frugal
Repas d’un cœur égal
Les peuples, cette troupe
pressée en ton giron
Comme sont les cirons
Au cristal d’une loupe
Ils prétendaient ton chef
Etre branlant de neige
Agitant les griefs
Audacieux chorèges[27]
Ils t’accusaient,[28] savants
indoctes, te trouvant
Sans charmes, si vieillie
Que tu semblais le cœur
d’une rose à rigueur
brutalement cueillie
Comme un blasphème encor
Qu’un carreau mortel navre[29]
Ils disaient que ton corps
n’était plus qu’un cadavre
à tôt ensevelir,
Il faudrait, sinon, fuir
Se bouchant les narines
Et laisser de dégoût
Ce dépouille[30] à l’égout,
Sombrer dans la marine
Ceux qui disaient cela,
Maîtresse sont en poudre.
Quiète[31] tu parlas :
et docile,[32] la foudre
Ecartelant les cieux
Pétrifia, vicieux
Dans leur harangue même,
Grinçants encor des dents
Et la haine au dedans,
Ces fauteurs de blasphèmes
Ceux qui t’attaquaient, vifs,
orgueilleux et superbes,
verdissent sous les ifs,
pourrissent dans les herbes
Et leurs ventres ouverts
Grouillent, tandis que vers
Toi leur regard se porte :
Immuable sous le choc
Il découvre le roc
Splendide de tes portes.
Ô Maîtresse il le faut
Dire ta chair est belle.
En vain frappe la faux ;
La jeunesse rebelle
Résiste ; tu vainquis
Deux mille ans, comme un qui
Contemplant dessus l’onde
Son visage pareil
Où les jeux du soleil
Passent quelques secondes.
Impassible tu vois
Les rois et les superbes
Portés sur le pavois
Où moissonnés aux gerbes
Des révolutions.
Toi, fille de Sion
Tu laisses les empires
Prévaloir tes autels,
S’élever ces Babels[33]
à la confusion pire
Qu’un souffle peut détruire
Tu vas drapée aux plis
De ta pudeur intacte,
Leur foule qui remplit
Bestiale et compacte
Les griffes de Satan
hurle et houle. Contents
Ils se sont concertés
Pour t’ôter cette robe
vierge, qui te dérobe
A leur lubricité
Ils ont saisi ton corps
De tant gente stature
Pour le jeter, encor
Sanguilent, en pâture
Aux écailleux serpents
Que la Mort va serpant
Convulés, noirs[34] de bave
Hors le tant clair pourpris
Blanc[35] d’anges où l’Esprit
de Dieu, mussé, s’encave.
Ils ont d’un fouet brutal[36]
Ensanglanté ta gorge
Ils ont, hideux chacals
Rougi ton corps aux forges
Et puis ils l’ont[37] lié
A l’infamant pilier
Ils s’approchent, brocardent[38]
Fer aux mains, fiel aux yeux
Mais tu pries...Les cieux
Poudroient leur houppe hagarde
Je suis ton fiancé
indigne, Eglise gente,
qui t’invite à tancer
Ma mollesse indigente
A laver dans l’Agneau
Mes pensers, et comme au
Festin de robes blanches
Il sied être vêtu
M’orner de fleurs dont Tu
Sauras choisir[39] les branches
Je te prie, humble et nu,
Eglise, sœur gentille
Accepte à bienvenu
Ma tant pauvre famille
Et moi-même, petit
En ton giron blotti,
Pour que de main non lasse
Nous soyons tes serveurs.
Supplie le Sauveur
Au ciel nous faire place
11–19
Essai de strophes en vue d’une “Ode”
[ 1 ] Charlot a corrigé et changé le manuscrit du poème sur la dactylographie des années soixante-dix. Les lettres et chiffres se réfèrent aux rimes masculines et féminines.
[ 2 ] Remplace : antérieurs.
[ 3 ] Remplace : Et partout germer le trouble.
[ 4 ] Remplace : germer.
[ 5 ] Remplace : Dieu.
[ 6 ] Remplace : réflexions.
[ 7 ] Correction ou changement de Charlot sur la dactylographie : mûre.
[ 8 ] Remplace : ceignit.
[ 9 ] Remplace : rebrochée.
[10] Remplace : couche.
[11] Rayé : La haute virginité.
[12] Remplace : naissance.
[13] Remplace : Jeune.
[14] Remplace : Pour ceux qui n’ont point.
[15] Remplace : Pour ceux qui n’ont point.
[16] Remplace : souffrir.
[17] Variante d’ancel ou servante.
[18] Une faute d’orthographe ou bien une variante de fraichet, diminutif de frais.
[19] Remplace : fit.
[20] Remplace : pour faire don.
[21] Remplace : greluchons.
[22] Remplace : des.
[23] Variante de soudard ou soldat.
[24] Omis : Marie.
[25] Remplace : fardeau.
[26] Une version antérieure de ce poème se trouve dans Autre Poèmes.
[27] Remplace : Modulants les arpèges.
[28] Remplace : blasphémaient.
[29] Remplace :
Ils rejetaient le port
ils reniaient le havre.
[30] Remplace : cadavre.
[31] Remplace : Sans hâte.
[32] Remplace : A tonnante.
[33] Remplace : Tu regardes sans ire.
[34] Remplace : blancs.
[35] Remplace : gardé.
[36] Remplace :
[37] Remplace : t’ont.
[38] Remplace :
[39] Variante dans le manuscrit : cueillir.